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par Gianni Valente
Rome (Agence Fides) « Souvenez-vous de ceux qui vous ont dirigés : ils vous ont annoncé la parole de Dieu. Méditez sur l’aboutissement de la vie qu’ils ont menée, et imitez leur foi ». Ce passage de la Lettre aux Hébreux était cher au père Bergoglio. Il le citait souvent lorsqu'il voulait montrer combien il est beau et important de se souvenir des personnes et des amis qui nous ont fait parvenir la libération du Christ et qui ont déjà quitté ce monde. Ces hommes et ces femmes qui « nous ont rapprochés des sources de vie et d'espérance dont ceux qui nous suivront pourront aussi s'y abreuver » ».
Le Pape François a également quitté ce monde aujourd'hui, 21 avril, lundi de Pâques, des suites de complications liées à une maladie saisonnière. Comme c'est le cas pour de nombreuses personnes âgées des Villas Miseria de Buenos Aires, qui, au cœur de l'hiver argentin, impliquent Saint Pantaleon, médecin et martyr, de les protéger contre la « grippe » et la pneumonie. Ainsi s'est accomplie jusqu'au bout l'offrande de son corps mortel, de sa physicalité jamais épargnée, de la réalité toujours plus fragile de sa condition humaine qui, jusqu'à ses derniers jours, n'a jamais été soustraite aux fatigues, aux intempéries et aux contagions auxquelles l'exposaient sa vocation et son ministère. Même sa fin, qui a coïncidé avec les jours de la Semaine Sainte, lorsque l'Église célèbre les mystères du salut accomplis par le Christ, fait partie du mystère d'offrande et de dévouement qui a marqué sa vie.
Maintenant, pour ses enfants et pour tous ceux qui, de près ou de loin, l'ont aimé, l'heure est venue de faire mémoire de lui. De rendre grâce, avec une douleur remplie de paix et de gratitude, pour les choses qu'il a rappelées, répétées et montrées à l'Église et au monde au cours de sa vie mortelle: des choses petites et des choses grandes, des choses anciennes et des choses nouvelles.
Même pendant ses années en tant que Pape, Bergoglio nous a répété sans cesse que la foi ne vient pas de l'homme. La foi est un don de Jésus. Et personne ne peut aller vers Jésus si Jésus lui-même ne l'attire à lui, s'il ne conquiert pas et ne captive pas les cœurs « par son attrait », comme il le répétait toujours en citant le pape Ratzinger, par « delectatio », comme le disait saint Augustin.
C'est pourquoi il a dit que « chacun de nous est un élu, personne ne choisit d'être chrétien parmi toutes les possibilités que lui offre le « marché » religieux, c'est un élu. Nous sommes chrétiens parce que nous avons été élus » (Homélie du 2 avril 2020, au début de la pandémie). Et il a également dit que la foi n'est pas « un chemin spirituel vers la perfection », mais « un don du Saint-Esprit, un cadeau qui dépasse toute préparation ». Et quand elle s'affaiblit, elle peut devenir « une culture, seulement ou une gnose, une connaissance » (homélie, 26/1/2015).
C'est pourquoi il a déclaré : « Il ne nous suffit pas de savoir que Dieu existe : un Dieu ressuscité mais lointain ne remplit pas notre vie ; un Dieu distant, aussi juste et saint soit-il, ne nous attire pas. Nous avons aussi besoin de « voir Dieu », de toucher de nos mains qu'il est ressuscité, et ressuscité pour nous, comme les disciples : à travers ses plaies ».
Le Pape François a répété que l'Église est l'œuvre du Christ et de son Esprit, que l'Église est sienne, qu'elle ne se « construit » pas d'elle-même, qu'elle n'est pas autosuffisante.
Il a répété que seul le Christ, en lui pardonnant, peut libérer/faire sortir l'Église elle-même de son inertie autoréférentielle, de son repli sur elle-même.
Le Pape François a continué à répéter sans relâche que le « protagoniste de l'Église » est le Saint-Esprit, Celui qui « dès le premier instant a donné aux apôtres la force de proclamer l'Évangile », et qui même maintenant « fait tout », « fait avancer l'Église », et même « lorsque la persécution éclate », c'est Lui « qui donne aux croyants la force de rester dans la foi ».
Le Pape François a répété que « ce n'est pas nous, les papes, les évêques, les prêtres, les religieuses qui faisons avancer l'Église », mais « ce sont les saints » (homélie à Santa Marta, 12 janvier 2016).
En tant que Pape, il a déclaré que dans l'Église, les changements et les réformes possibles sont fructueux s'ils ont pour critère ultime le bien et le salut des âmes et s'ils servent à ôter les obstacles et les voiles qui empêchent l'œuvre de la grâce, afin de faciliter la rencontre des âmes avec le Christ. Même avec les contradictions et les choses qui ont mal tourné, même avec ses erreurs humaines et sa fragilité de « pécheur sur lequel le Christ a posé son regard », il a témoigné que les miracles qui sauvent l'Église ne peuvent être accomplis par un pauvre homme. Il a expérimenté dans sa chair, dans ses limites et dans ses jours terrestres, même en tant que Successeur de Pierre, le « Mysterium Lunae », la formule - qui lui était si chère - par laquelle les Pères grecs et latins des premiers siècles chrétiens suggéraient la nature et le mystère les plus intimes de l'Église, qui peut rester un corps opaque et sombre, avec tous ses apparats, ses performances, ses glorieuses antiquités et ses modernités astucieuses, si le Christ ne l'illumine pas de sa lumière, comme le soleil illumine la lune.
Le Pape François a répété et montré avec une insistance dépourvue de respect humain que dans le mystère du Salut opéré par le Christ et son Esprit, les préférés sont les pauvres de toutes les pauvretés. Les petits qui, en raison de leur petitesse, entrent plus facilement par la porte étroite qui mène au banquet du Royaume des Cieux.
Le Pape François a répété que le salut promis par Jésus s'adresse à tous, qu'il a pour horizon le monde entier. Et il suscite gratuitement chez les siens une proximité de miséricorde et de charité envers toutes les attentes, les douleurs, les désespoirs, les péchés et les misères du monde; envers tous les membres de la famille humaine, à commencer par les vies déraillées de ceux qui sont les plus blessés, ceux qui sont tombés et ont fait naufrage, ceux qui souffrent le plus et sont dans le besoin.
La « conversion pastorale » qu'il a suggérée à toute l'Église n'était pas et n'est pas un repli dans un monde parallèle, séparé du monde des hommes. C'est précisément une Église « imparfaite » et « accidentée », une « Église avec des plaies », a-t-il dit, « qui est capable de comprendre les plaies du monde d'aujourd'hui, de les faire siennes, de les souffrir, de les accompagner et d'essayer de les guérir ». Car « une Église blessée ne se place pas au centre, elle ne se croit pas parfaite, mais elle place au centre le seul qui puisse guérir les blessures, celui qui s'appelle Jésus-Christ ». (Discours lors du voyage au Chili, 16 janvier 2018).
Le Pontificat du Pape François a été marqué par de grands événements, des initiatives et des changements destinés à marquer le cheminement et la mémoire historique de l'Église au début du troisième millénaire chrétien. Tout cela a déjà fait couler et fera encore couler beaucoup d'encre. Mais pendant plus de douze ans, les paroles et les gestes de l'évêque de Rome venu de Buenos Aires sont aussi et surtout devenus une compagnie et un réconfort quasi quotidiens pour une multitude d'âmes dispersées dans le monde entier, de toutes langues, de toutes cultures et de toutes nations, à travers le magistère ordinaire des homélies de Santa Marta, des réflexions accompagnat la prière de l'Angélus, des catéchèses sur la place Saint-Pierre et dans la salle Paul VI. Cette proximité sans médiation avec la multitude a peut-être été le trésor le plus intime des douze années de son pontificat. Un trésor incomparable, un flux de vie guérie, qui a repris en termes simples et répétés les paroles et les gestes les plus propres et les plus intimes du dynamisme de la foi et de l'expérience chrétienne, ramenés à leurs traits minimaux : grâce, miséricorde, péché, pardon, charité, salut, prédilection pour les pauvres. C'est peut-être surtout pour cela que le peuple de Dieu a continué à bénir le évêque de Rome François et à prier pour lui, comme il l'avait déjà fait à sa demande le premier soir de son pontificat, lorsque le Pape François avait invoqué sur lui la prière de la foule rassemblée sur la place Saint-Pierre (« Je voudrais vous donner la bénédiction, mais avant cela, je vous demande une faveur, je vous demande de prier le Seigneur : la prière du peuple qui demande la bénédiction de son évêque »).
Dans le cadre de ces prières, le peuple de Dieu, avec son sensus fidei, a toujours reconnu et continue de reconnaître que l'élection du Pape François est un don, un signe que le Seigneur aime toujours son Église. Et seul cet amour durable de son Seigneur, un amour sans repentir, peut rendre l'Église – et aussi la papauté – intéressante pour le monde, intéressante pour tous.
Avec la même confiance sereine, le peuple de Dieu a commencé depuis des mois à accompagner le Successeur de Pierre, pris « presque à la fin du monde » dans ses derniers jours. Aucun catastrophisme, aucune angoisse abstraite liée à un « projet inachevé » ou à des « plans contrariés » ne se percevait dans le cœur et le regard de ceux qui l'ont accompagné par la prière au cours de ces derniers mois de maladie. Il n'y avait que paix et gratitude émue dans les prières qui montaient vers le ciel pour le pape Bergoglio depuis la place Saint-Pierre et depuis les maisons, les églises et les places du monde entier. En parfaite affinité avec les mots avec lesquels le Souverain Pontife lui-même avait imaginé sa fin. « Le Seigneur, avec sa bonté », avait fait remarquer le Pape Bergoglio dans l'une de ses homélies à Santa Marta, « dit à chacun de nous : « Arrête-toi, arrête-toi, ce ne sera pas tous les jours comme ça. Ne sois pas habitué, comme si c’était l’éternité. Il y aura un jour durant lequel tu seras retiré, et l’autre restera." Et aller avec le Seigneur, penser que notre vie aura une fin. Et ceci fait du bien ».
Penser à la mort, avait-il ajouté, « Qu’elle soit mauvaise ou pas, cela dépend de moi, de comment moi j’y pense, mais elle sera. Et là, ce sera la rencontre avec le Seigneur, ce sera la beauté de la mort, ce sera Lui qui viendra nous rencontrer, ce sera Lui qui nous dira : "viens, viens, béni par mon Père, viens avec moi"».
Ceux qui l'ont perçu comme un compagnon de route réconfortant ont prié pour lui avec paix dans leur cœur. Cette paix dont il témoignait lui-même si souvent, de manière incroyable, au milieu des tempêtes.
Aujourd'hui, ces mêmes foules prient pour lui Marie, Notre-Dame de Lujan. Marie, Salus Populi Romani. Qu'elle vienne le prendre dans ses bras, comme un enfant, pour son dernier voyage.
Le 28 janvier 2018, lors de la messe célébrée à l'occasion de la fête de la translation de l'icône restaurée de la Salus Populi Romani, dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, le Pape avait rappelé que « là où la Vierge Marie est chez elle, le diable n'entre pas. Là où la Mère est présente, le trouble ne prévaut pas, la peur ne l'emporte pas. Qui d'entre nous n'a pas besoin de cela, qui d'entre nous n'est pas parfois troublé ou inquiet ? (...). Et nous avons besoin d'elle comme un voyageur a besoin de repos, comme un enfant a besoin d'être porté dans les bras ».
C'est pourquoi, selon sa volonté, le corps mortel du Pape François reposera à jamais dans une chapelle de la basilique Sainte-Marie-Majeure, reliée par la via Merulana à l'autre basilique Saint-Jean-de-Latran. Il reposera sous le regard de la Salus Populi Romani. Pour toujours, au cœur de Rome. (Agence Fides 21/4/2025).